Texte d'Eric MARCHAL.

La ferme de Beau-séjour a été construite en 1825 par François Etienne BRACHET, originaire de Mesnil-les-hurlus.

Il y avait des chasses magnifiques, un vivier, un matériel agricole moderne pour l'époque, ainsi que des bergeries et des écuries. le domaine s'étendait sur 600 hectares, implantés sur les communes de Minaucourt et de Mesnil-les-Hurlus.

Des champs de céréales étaient cultivés, et, quand les terres étaient en jachères, de nombreux moutons y paissaient. Il y avait plusieurs vergers, un en bas, au delà du ruisseau Marson et un derrière la ferme.

On y recevait beaucoup, surtout des citadins attirés par la chasse.

En 1860, Napoléon III décernait une médaille d'or pour la fondation de cette ferme modèle.

La vie s'y écoulait paisiblement, plusieurs foyers s'y étaient installés, les enfants jouaient.

Le 2 août 1914, mobilisation générale, 3 août, déclaration de la guerre.

2 septembre 1914, il faut évacuer, les échos de la bataille qui se rapprochaient de jours en jours est désormais sur le territoire.

Les uhlans arrivent, c'est l'invasion, c'est l'exode, c'est la guerre, c'est le début de la fameuse bataille de la Marne.

A la retraite de la Marne, le 14 septembre 1914, les allemands stoppent sur les hauteurs jalonnées par les villages de Souain, Perthes-les-Hurlus, Hurlus, Beau-séjour et Massiges.

Les combats reprennent, aux premières lueurs de jour, le 7ème régiment d'infanterie (R.I) en liaison à droite avec le Corps Colonial engagé sur Massiges, essaye à nouveau d'aborder le ruisseau Marson. Mais la résistance ennemie s'était organisée, la crête du Mont de  Marson à peine franchie, les sections de tête du 7ème RI étaient accueillies par une forte fusillade.

Le 26 septembre 1914, après plusieurs jours de combats, la ferme sera reprise par les Coloniaux. Des centaines de marsouins seront tués. Une nouvelle attaque destinée à repousser les allemands vers le nord débutera le 20 décembre 1914 par des bataillons des 7ème, 22ème, 24ème, et 33ème régiments d'infanterie coloniale.

La ligne de front progressera au fil des mois par actions de "grignotage" mais les allemands avaient organisés et fortifiés un lacis  de tranchées sur les hauteurs au nord de la ferme. cette position formidable protégée et à laquelle se heurteront le premier trimestre de 1915 les coloniaux des 3ème, 4ème, 7ème, 8ème, 21ème, 22ème, 23ème R.I.C et les fantassins des 91ème, 96ème, 43ème, 127ème, 1er, 84ème, 122ème, 142ème...régiments d'infanterie de ligne, sera baptisée "FORTIN DE BEAUSEJOUR".

Ce bastion sera pris et repris sept fois entre mi-février et mi-mars 1915.

Il y règnera une incessante guerre des mines souterraines ainsi que ne nombreux assauts à la baïonette, clairon en tête.

Il faudra attendre la grande offensive française de champagne du 25 décembre 1915 pour que le secteur et la position du "FORTIN DE BEAUSEJOUR" soient enfin dégagés par les régiments des 11ème et 39ème Divisions d'Infanteire (26ème, 69ème, 37ème, 79ème, 146ème, 153ème, 156ème et 160ème régiments d'infanterie).

Dès le début de l'année 1915, le long de la route reliant Massiges à Mesnil-les-Hurlus, sur le terrain établi en contre pente par rapport aux vues ennemies et aux arrivées d'obus et de mitrailles, un véritable village percé de souterrains s'étendra sur deux kilomètres. Poste de secours, dépôts de matériels, dépôts de munitions, cuisines, postes de commandement...et des cimetières.

Les régiments qui montaient en ligne dans le secteur arrivaient à pied sur la route de Minaucourt sans cesse bombardée par l'artillerie lourde allemande. A partie de Beau-séjour, les soldats prenaient les tranchées pour rejoindre la première ligne.

Des dizaines de milliers d'hommes sont passés par la ferme de Beau-séjour, dernière étape avant l'enfer des tranchées, du froid, de la boue et de la mort. Beaucoup de ces hommes ne reviendront pas, seront portés disparus, déchiquetés ou ensevelis par les explosions. D'innombrables blessés plus ou moins atrophiés se feront sommairement soignés par les postes de secours ou dans les hopitaux souterrains, ou y mourront.

Des centaines d'hommes ou morceaux d'hommes redescendront des lignes, enballés dans des toiles de tentes en guise de linceul et agrandiront jour après jour les cimetières de Beau-séjour.

Après la guerre, en 1923, un camp militaire a été crée dans la zone des combats, le secteur de Beau-séjour sera inclus dans le périmètre de ce camp. Les corps des malheureux seront transférés dans le cimetière proche de Minaucourt où il repose à ce jour 21 320 soldats dont plus de la moitié sont des inconnus inhumés dans des ossuaires.